Ceci n'est pas un tutoriel, juste une découverte d'un principe. C'est volontairement un peu superficiel, de manière a rester aussi compréhensible que possible et par un maximum.
Objectif :
Produire un négatif traduisant au plus près l'intention sur le rendu.
Nous pourrions bien sûr procéder par des choix de grade si nous tirons nos négatifs sous agrandisseur et sur papier multigrade, mais ce n'est pas toujours une solution applicable ni souhaitable pour plusieurs raisons :
- utilisation de papiers gradés
- utilisation de papiers au chlorure qui ne sont pas multigrades (Fomalux, Azo . . .)
- utilisation de procédés de tirages alternatifs n'offrant pas toujours un contrôle très important sur le contraste (cyanotype, kallitype, platine, Van Dycke . . .)
- intention avec contraste extrême, en dehors de ce que permet un choix de grade
Il est également à noter que produire un tirage à partir d'un négatif au contraste fort, ne produira pas le même résultat que de faire un tirage à grade élevé à partir d'un négatif moyen. Surtout dans l'utilisation des grades >4 ou <1. Avec un net avantage qualitatif pour le négatif adapté et le tirage à grade moyen (2 ou 3).
Définition de la notion de contraste :
Nous parlerons de contraste pour évoquer l'écart de densité entre 2 points choisis sur un tirage papier. 1 point dans les hautes lumières, un autre dans les basses lumières. Nous ne nous attacheront pas forcement au point le plus noir ni au point le plus blanc du tirage.
Comment ?
- Nous utiliserons l'exposition pour placer les basses lumières au niveau choisi d'une échelle de gris à 10 zones.
- Nous utiliserons la durée de développement du film pour placer les hautes lumières sur cette même échelle de gris
Nous allons donc mettre en oeuvre cette "rengaine" très connue des photographes argentiques N&B : "Exposer pour les ombres, développer pour les hautes lumières"
Cette manière de procéder a été théorisée et largement appliquée par Ansel Adams sous le nom de "Zone System"
Zone System ? Oulà, c'est compliqué ça non ?
Oui et non.
Il faut distinguer 2 étapes distinctes dans la mise en oeuvre du ZS.
1. Réaliser la callibration du procédé pour un couple film/révélateur donné. C'est l'étape la plus laborieuse, mais elle reste tout à fait accessible. Cela nécessite surtout un peu de rigueur et de bons sens, pas des grandes connaissances théoriques en sensitométrie . . . ouf. Toutefois cela ne sera pas traité dans cet article. Je propose une formation pour les personnes intéressées.
2. La mise en oeuvre, une fois le processus calibré. Là évidement tout devient vraiment simple. Aucun photographe censé ne s'amuse à se compliquer la vie pour le plaisir. La simplification ultime pouvant même se résumer à un simple choix de durée de développement pour un rendu donné.
Etape 1 :
Je choisi mon diaph de travail en fonction de la profondeur de champ désirée.
Ici, je choisis f/5.6
Etape 2 :
Je choisis 2 zones sur mon sujet.
Une dans les hautes lumières, l'autre dans les ombres.
Je mesure ces 2 zones au spotmètre (donc mesure en lumière réfléchie). Je mesure respectivement f/11 et f/4
Etape 3 :
Dans un premier temps, on ne va se préoccuper que du point placé dans les ombres (en bleu)
En utilisant une échelle de gris préalablement créé lors du processus de calibration film/développeur, je choisi où je souhaite placer ma zone d'ombre.
Sur cette échelle de gris, chaque zone correpond à un écart d'exposition de 1 IL. On echappe donc aux calculs sur des fractions de diaph. Cool n'est ce pas ?
La mesure spotmètre correspond toujours à un placement en zone 5.
Comme je mesure f/4.0 et que j'ai choisi un diaph de f/5.6, j'en déduis que le point va se placer en zone 4 (-1 IL).
Mon intention est un point placé en zone 3. Un noir sombre mais encore très riche en détails et restituant bien la texture.
Il va donc falloir encore enlever 1 IL.
Comme j'éclaire au flash, je vais baisser la puissance de mon flash jusqu'a mesurer f/2.8 là où j'avais mesuré f/4.0 (f/4.0 - 1 IL = f/2.8)
En lumière ambiante, je pourrais modifier la vitesse de l'obturateur.
On évitera bien sûr de modifier le diaph, puisqu'il a été choisi en fonction de la profondeur de champ souhaitée.
A ce stade, nous avons déterminé l'exposition pour la prise de vue (alors c'est compliqué ?).
Etape 4 :
Nous allons maintenant regarder où va se placer le point choisi pour les hautes lumières.
Nous savons grâce à la mesure au spotmètre, qu'il y a 3 IL d'écart entre les 2 points (f/4 <--> f/11).
Le point HL viendra donc naturellement se placer en Z6 (Z3 + 3 IL)
La question qui se pose maintenant est : est ce que la densité de la zone 6 correspond à mon intention ?
Dans ce cas précis, mon intention est de placer ce point en zone 8. Il n'est plus question bien sûr d'intervenir sur l'exposition puisque le point en basse lumière a été calé. Il nous reste donc la solution d'intervenir sur la durée de développement.
Un prolongement de la durée de révélation du film fera monter le contraste. Il affectera essentiellement les hautes lumières. Le placement des basses lumières sera peu affecté par cet allongement de la durée de révélation.
Etape 5 :
Pour placer ma haute lumière qui est actuellement en zone 6 vers la zone 8, Il me faut une durée de révélation correspondant à un contraste N+2 (c'est simple, non ?).
Ces durées N+1, N+2, N+3, N+4 . . . sont à déterminer expérimentalement pour chaque couple film/développeur.
Chaque décalage de 1 N correspond au glissement du dernier gris de 1 cran sur l'échelle.
Ainsi a N+1 le dernier gris passe de la zone 9 à la zone 8
A N+2 le dernier gris passe de la zone 9 à la zone 7, etc
Pour un film Foma 100 exposé à 64 iso et développé dans du R09 1+50, je vais utiliser une durée de développement de 9min30 correspondant au N+2.
Conclusion :
Avec un choix adapté d'exposition et de durée de développement, j'ai pu produire un négatif qui traduit fidèlement mon intention sur le résultat final.
Je peux tirer pour un résultat contrasté sans avoir obligatoirement recours à un tirage à grade élevé, et même si la scène photographiée a un contraste faible.
Il m'est également possible de produire des négatifs adaptés aux tirages alternatifs n'offrants que peu ou pas de contrôle de contraste.
La mesure au spotmetre me permet d'évaluer le contraste existant dans la scène et de m'y adapter.
La mise en oeuvre est très rapide, elle ne requiert que 2 mesures et 1 petite addition pour déterminer la valeur N pour le développement.
Remarques 1 :
Je vais ici utiliser une durée de plus du double du développement N (9min30 au lieu de 4 min).
Il ne faut donc jamais hésiter à modifier la durée de développement, même dans des proportions importantes.
Remarque 2 :
Cette manière de procéder est surtout pertinente si vous travailler avec des plans films que vous pouvez développer à l'unité.
Il m'arrive toutefois d'appliquer cette procédure pour des films en rouleau 120. En shooting studio, j'aime dédier un film (10 à 16 vues selon le format) par setup.
Remarque 3 :
Les durées de développement préconisées par les constructeurs ne correspondent pas à des développement N+0. Le plus souvent à des dev entre N+1 et N+2.
C'est un bon choix si vous n'avez pas une intention très précise, ou si vous comptez travailler le contraste au tirage sur papier multigrade. C'est également un bon choix si vous scannez vos négatifs.
Remarque 4 :
Lorsque l'on choisi un développement N+, il faut normalement diminuer l'exposition d'environ 1/2 IL pour chaque N. Cette précaution permet de garder des basses lumières bien placées. Dans la pratique j'ignore cette correction. Elle ne modifie pas le contraste du film, seulement sa densité.
Cette densité légèrement augmentée modifie la durée de tirage sous agrandisseur, très peu le résultat fini.
Remarque 5 :
Avant de dire qu'un film est mauvais, trop mou, trop dur, trop . . . apprenez à l'exploiter et à adapter le processus global à votre besoin !!!
On ne tire surtout pas de conclusion à partir de temps de développement préconisés !
Remarque 6 :
Si vous scannez vos négatifs plutôt que de les tirer par un procédé analogique l'intérêt sera moindre.
Toutefois celà permet de produire des négatifs présentant une bonne étendue de densité quel que soit le contraste de la scène photographiée.
La plage de densité d'un négatif qui se tire à grade 2 est bien adaptée au scan.
Remarque 7 :
Il est bien sûr aussi possible de procéder à des développement raccourcis. Donc des dev N-1, N-2
Ce sera surtout le cas lors de prise de vue en extérieurs avec des contrastes très forts et/ou une intention avec un rendu très peu contrasté.
Remarque 8 :
Pour augmenter le contraste, j'aurais aussi pu modifier mon éclairage, en rapprochant la source de lumière de mon sujet par exemple.
C'était possible dans ce cas, mais ce n'est pas toujours possible. D'autre part, un rapprochement de la source modifie aussi la dureté de la lumière (progressivité des transitions)
Remarque 9 :
C'est clair, le numérique c'est cool quand même :D